Interview: Chevêchette, un chouette livre!

C’est au tour de Frédéric Renaud et Denis Simonin de se préter au jeu de nos interviews, avec la parution de leur livre « Chevêchette »
Frédéric Renaud Denis Simonin livre chevechette

Adepimage :
Bonjour Denis et Frédéric, pouvez-vous vous présenter?

Denis:
Bonjour Christophe. J’ai commencé la photo au du temps du N&B en labo, puis principalement lors de mes voyages, avant de la laisser un peu de coté au profit d’activités plus sportives en montagne. C’est en 2004, avec la démocratisation des reflex numériques que j’ai redécouvert la photo. Je me suis alors orienté de plus en plus vers la photo animalière, qui est devenue une véritable double passion : celle de la photo alliée à celle de la nature. C’est la photo qui m’a amené à découvrir et aimer la nature, à reconnaitre et connaitre des animaux dont je ne connaissais pas même l’existence. Habitant Grenoble et pratiquant la montagne, j’ai une très forte attirance pour la faune de montagne. La photo nature regroupe énormément de pratiques différentes, et seule la rencontre avec la vraie nature sauvage me motive. La phase de recherche et de préparation fait pour moi partie entière du travail de photographe naturaliste, c’est même la plus passionnante, c’est de l’engagement mis dans cette phase que dépendra le plaisir d’obtenir de bonnes images.

Fred :
pour ma part, j’ai pratiqué la photo de reportage et de sport en montagne avant de m’intéresser à la photo animalière. L’avènement du numérique a aussi été un élément primordial dans ma pratique en ouvrant des possibilités jusqu’alors limitées avec l’argentique. Originaire du Haut-Doubs, j’ai toujours été sensible à la faune de moyenne montagne et mon arrivée à Grenoble m’a permis de découvrir les espèces de haute montagne. Je privilégie la photo de proximité, préférant arpenter des secteurs que je connais bien à la recherche d’espèces plus ou moins communes. Il faut dire que les massifs isérois sont très riches et très diversifiés en faune. La recherche, l’observation et la connaissance aussi bien de « mon territoire » que des animaux me passionnent, partager ces instants
est une des motivations de ma démarche.

Adepimage : Maintenant, c’est au tour de votre petite chouette d’être présentée, puisqu’elle est le sujet principal de votre ouvrage !
D’un point de vue étymologique, quelqu’un qui ne connaît pas l’oiseau peut légitimement s’imaginer que la chevêchette une « petite chevêche » ? Dans quelle mesure ?

Denis et Fred:
Effectivement, beaucoup de gens assimilent chevêche et chevêchette. Si elles sont un certain nombre de points communs, y compris une physionomie ressemblante, ce sont vraiment 2 espèces totalement différentes de par leur milieu de vie et leurs mœurs. La chevêche est relativement commune sur la totalité du territoire français, et se retrouve dans des habitats variés (plaines agricoles, vergers, patûrages,), souvent proche des activités humaines.  La chevêchette quant à elle se trouve exclusivement en forêt d’altitude dans les massifs de l’est de la France (Vosges, Jura, et principalement Alpes), dans des milieux très sauvages. De par sa très petite taille (environ 15cm de haut) et l’endroit où elle vit, son observation est beaucoup plus difficile que celle de la chevêche.
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Adepimage : Avant ce travail, quel était le niveau de connaissance de l’espèce ? Votre travail a-t-il permis de compléter ces connaissances ? Avez-vous collaboré avec des ornithologues, chercheurs spécialisés sur l’espèce etc ?

Au départ, le niveau de connaissance se limitait à savoir qu’elle existait, connaitre son biotope et son chant. Ensuite, oui nous avons énormément appris sur cette espèce à son contact. Je peux même dire que quasiment tout ce que nous savons d’elle, nous l’avons observé sur le terrain. Nous n’avons pas vraiment collaboré avec des ornithologues, par contre toutes nos informations, y compris sur les sites de nidification, nous les avons transmises à la LPO.

Adepimage : Lorsque l’on travaille assidûment sur une espèce, on peut être amené à croiser plusieurs fois un même individu, voir le suivre sur une période plus ou moins longue, est-ce le cas pour vous?
Est-il possible de reconnaître certains individus, si oui comment ?

Sur une période donnée (un cycle de repro), on est certain de recroiser toujours les mêmes individus mais il impossible de reconnaitre un individu d’une année sur l’autre sauf s’il a vraiment un signe distinctif particulier, ce qui ne nous est jamais arrivé. Ensuite on peut faire des suppositions, lorsqu’une année on retrouve des individus dans le même secteur que l’année d’avant, mais même si nous sommes convaincus que c’est le même, il n’y a pas de certitude absolue.
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Adepimage : Une monographie peut souvent être perçue comme un sujet élitiste ou réservé à un public restreint depassionnés /spécialistes, et donc pas forcément « vendeur » ou risqué pour un éditeur. Est-cela qui a dicté votre choix d’auto-édition ou une envie de contrôler votre projet de A à Z ?

Si nous avions eu un éditeur qui s’était jeté sur le projet, nous l’aurions pris. Au départ, nous avons tenté d’une part de démarcher des partenaires financiers, et d’autre part des éditeurs. Mais devant le peu de résultat et voyant que nous ne pourrions être prêt pour Montier en Der, nous avons abandonné ces voies et lancé  une souscription, non sans une certaine appréhension car de son succès
dépendait le projet. Finalement la souscription a dépassé nos espérances et nous a permis de financer une partie du projet. Au final, nous ne regrettons pas du tout d’avoir fait ce choix d’auto-édition, nous nous sommes fait plaisir en concevant ce livre de A à Z, sans aucune contrainte extérieure et dans un délai impossible à tenir si nous avions du composer avec un éditeur.

Adepimage : Vous avez choisi de travailler en binôme afin de cumuler votre présence sur le terrain, et de mutualiser vos observations et connaissances de l’espèce. Concrètement comment cela se passait-il ? Partagiez-vous chacun un espace de travail ou cumuliez-vous un temps de présence sur les même sites?(ou un mixe ?)

C’est simple, nous avons tout partagé. Au départ, nous avons échangé des infos sur des localisations, sur des observations. Puis, nous avons uni nos efforts pour rechercher les sites de nidification, pour obtenir les comportements que nous n’avions pas (accouplements, nourrissages)., et pour avoir des images d’un maximum de milieux différents. A deux on passe deux fois plus de temps sur le terrain, on a donc deux fois plus de chance de pouvoir photographier la scène souhaitée.. Concernant le travail sur livre, nous avons sélectionné ensemble les images, et avons écris et travaillé les textes à deux.
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Adepimage : Un travail en binôme, si c’est une complémentarité évidente, c’est aussi devoir faire des concessions, avez-vous eut des divergences ?

Sur la manière de travailler, non aucune, nous avons la même vision de la pratique de la photo nature. Sur le choix des images, avec la quantité de bonnes images de l’espèce que nous avons chacun,  il y en a forcément que l’on aurait aimé voir dans le livre et qui n’y sont pas, mais là non plus il n’y a jamais eu de divergence.  Le but était de montrer le maximum de choses de la vie de la chevêchette et pas « nos 120 plus belles photos de chevêchette ».

Adepimage : Dans ce type de travail de longue haleine, il y a toujours des moments clés, ou inespérés que nous offre la nature, un peu en récompense d’un long labeur. Avez-vous réalisé des observations
voir des clichés que vous n’auriez jamais rêvé ?

Denis : Oui, la photo de la chevêchette en train de plumer la mésange : je n’ai eu qu’une seule fois l’occasion d’assister à une telle scène, je crois que Fred ne l’a jamais vu non plus, et elle s’est déroulée à moins de 10m de mon objectif, avec un fond uni… une série d’images que je n’aurais pas rêvé faire.
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Fred : jusqu’à cette année, toutes les scènes de nourrissages de jeunes auxquelles j’avais pu assister se passaient très haut dans les arbres, et les images n’étaient pas très intéressantes. C’était un de mes objectifs de l’année, et ce printemps, j’ai eu la chance de pouvoir observer et photographier ces scènes avec une très grande proximité, parfois même au grand angle, et dans des conditions de lumière parfaitement exploitables.

Adepimage: A l’inverse avez-vous manqué des moments clés ou vraiment espérés, compte tenu de conditions météo défavorables, de prédation etc…

Nous aurions aimé pouvoir réaliser des photos d’accouplement sans flash, mais l’occasion ne s’est pas présentée. Même si nous pensons avoir réalisé un travail assez complet sur cette chouette, il y a encore des comportements que nous avons observé sans pouvoir les photographier. Le bain, une prédation « en direct », ou l’envol d’un jeune de la cavité…
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Adepimage : Si vous ne deviez retenir qu’une seule photo chacun (que vous avez réalisée), quelle serait-elle et pourquoi ?

Denis : Une de la série du plumage de mésange. De telles images ne se commandent pas, on ne peut pas les mettre en scène, elles nous sont offertes par la nature. Je n’ai jamais eu l’occasion de voir d’autres images d’une telle scène.

Fred : Difficile de choisir, chaque image est chargée de souvenirs… Le coucher de soleil page 32 par exemple, parce que c’est une image que j’avais espéré pouvoir faire. J’avais justement prospecté ce secteur pour son orientation face au soleil couchant, et pour pouvoir exploiter les belles lumières du soir.
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Adepimage : Et quelle est la photo de votre binôme que vous préférez ?

Denis : Difficile d’en choisir une seule… alors peut-être celle du nourrissage (page 152 du livre) parce que je n’ai jamais pu en faire d’aussi bonne o)

Fred : j’aime beaucoup ses photos dans les mélèzes, mais je retiendrai aussi celle sous les flocons, c’est une ambiance dans laquelle j’aimerais beaucoup photographier la chevêchette.

Adepimage : La sortie du livre est une belle consécration pour tout travail de longue haleine. Allez-vous continuer à photographier « vos » chevêchettes ?

Fred et Denis:
Oui bien sur, mais de toute évidence en y consacrant beaucoup moins de temps ! Et puis sans parler de photo, juste pour aller les observer, ou le plaisir d’emmener quelqu’un les observer.

Adepimage : J’imagine que l’actualité du livre va vous occuper un moment, après avoir notamment exposé à Montier, y-a-t-il d’autres rencontres prévues ?

C’est vrai qu’une fois le livre sorti, le travail n’est pas fini, les ventes, les envois, la promotion prennent beaucoup de temps. Nous essayerons d’exposer dans différents festivals ou évènements dans l’année, le programme n’est pas encore défini mais toutes les dates seront disponibles et annoncées sur le site www.unchouettelivre.com ou sur la page Facebook du bouquin…

Adepimage : Pensez-vous à d’autres collaborations ? Si oui, sur quel sujet ?

Denis : Cette collaboration n’a pas été calculée à l’avance, ça s’est présenté comme ça. Vu que cela s’est bien passé, oui pourquoi pas, mais il n’y a pas de projet aujourd’hui dans ce sens.
Fred : notre collaboration continue, sur le terrain avant tout et dans le partage, pour aller plus loin dans l’observation et la photo, et c’est bien là l’essentiel pour nous.